moi: Avant que je ne m'occupe de tous mes papiers en retard, tu veux bloguer ?
10:23
Jérôme: Mais bien sûr…
moi: Alors, faut-il créer ses personnages de toutes pièces quand on écrit ?
Jérôme: Le blog, la conversation derrière la plante verte, c'est…
10:24
Je finis ma phrase : le blog derrière la plante verte, c'est la cigarette après la baise ! Ecrivez-ça en gros sur vos ordinateurs !
moi: Parce que pour « Isabelle et son ordinateur », j'ai caricaturé certains personnages qui s'ancrent dans ma vie. Ils m'ont échappé, certes, mais chacun représente une partie de moi ...
10:25
La dépressive, la working girl, la mère au foyer, la femme indépendante ...
Et la chateuse !!!
Jérôme: Je te soutiens à fond sur cette voie brouillée entre la fiction et la réalité, après Kerouac, Proust, Cendrars…
10:26
moi: On pourrait nous reprocher de ne pas avoir d'imagination.
Jérôme : Moi je dis : Implication et générosité.
10:27
Celui ou celle qui mélange s'implique forcément. Il fait don de lui.
C'est de la viande qui s'expose.
moi: Je penche pour le partage aussi. Ecrire, c'est inventer pour certains. Pour moi, c'est partager ...
Jérôme: Ils affirment : Mais c'est narcissique ?! C'est obscène !
10:28
moi: C'est un acte de don.
Jérôme: Et plutôt que de réfléchir à ce qui est donné, ils s'offusquent.
Ils aiment cadrer.
Cloisonner.
Etiqueter.
moi: Et tu vois, finalement, j'ai trouvé que Lucian Freud ne se donnait pas assez. Il donne de sa virtuosité, mais pas de son énergie.
10:29
Il reste dans le cadre de la maîtrise.
Quand un Willem de Kooning explose les cadres et brouille figuration et abstraction.
C'est ça que je n'ai pas bien exprimé dans mon blog.

Willem de Kooning
10:30
Jérôme: En effet, Freud se censure en ne nous donnant que de la maîtrise, de la maestria.
moi: On ne se regarde pas écrire. On est dedans.
On ne se regarde pas peindre, on s'implique, quitte à se mettre en danger.
Quitte à oser la faute de style !
10:32
Jérôme: Mais j'apprécie cependant aussi Freud pour cela : il fait de l'ordre. Il replace l'art, la culture, dans un ordre quasi naturel. Les toiles tiennent debout toute seule. Elles sont belles. Une harmonie de couleurs et de formes se dégage d'elles.
Il se regarde peindre et il fait de l'ordre.
Il veille.
moi: Il se maîtrise.
Jérôme: Il se tient debout dans son atelier.
10:33
Oui, il se maîtrise, mais il pousse son art jusqu'au bout.
Jusqu'au bout de sa vie.
Jusqu'à la mort.
Je sais bien qu'il reste propre sur lui, mais je l'aime bien.
J'aime bien Freud.
moi: Je ne suis pas pour l'exercice académique. Et je trouve tellement froid de n'envisager la figure que comme un morceau de chair.
10:34
Ses nus sont des natures mortes.

Lucian Freud
Jérôme: Mais le morceau de chair, c'est un voile.
Il faut traverser la chair.
Voir à travers elle.
Baiser la chair pour sentir ce qu'il y a dedans.
Manger la chair pour qu'elle nous pénètre.
10:35
Sucer la chair.
Avec la langue.
Pénétrer la chair par tous les trous.
moi: Balthus dérange, parce qu'il porte un regard sur ses figures. Il les plante dans un décor étrange. Il ne les extrait pas à la vie. Il souligne leur ambivalence.
Il les rattache à la vie et au désir pervers.

Balthus
10:36
Jérôme: Je t'écoute… J'adôôôre Balthus.
Non, pas désir pervers pour Balthus.
moi: Je l'adore aussi. Parce qu'il nous donne, il partage, il nous ouvre les yeux.
Jérôme: Il n'est en rien pervers.
C'est tout le contraire et la grande mystification par rapport à lui.
10:37
C'est un chrétien, dirait Hector.
Un vrai.
Un samouraï.
Un ange qui prend un corps.
Un ange qui s'incarne.
10:38
Un ange qui dérange.
C'est l'ange de la Lutte avec l'ange de…
moi: Ses fillettes n'ont rien de pervers. Tu as raison, elles s'incarnent.
Jérôme: Dans l'église St-Sulpice.
10:39
moi: Elles ouvrent tous les possibles, quand Freud fige la chair sur sa toile comme un morceau de viande sur un étal.
Freud est désabusé. Balthus est vivant.
10:40
Jérôme: Les fillettes de Balthus. Ou disons les femmes, pour être plus précis, car ce ne sont pas que des fillettes, sont entièrement présentes. Elles n'ont pas peur de l'homme.
moi: Elles jouent.
Jérôme: Elles n'ont encore aucune raison d'en avoir peur.
10:41
moi: Elles pressentent.
Jérôme: Elles sont. Elles aiment. Elles jouent… Mais hélas, ne savent pas perdre.
moi: Elles trônent.
Jérôme: Oui, ce sont des reines.
Des princesses.
10:42
En cela, Balthus répond aux fantasmes des fillettes. Ils les incarnent et nous rappelle leur caractère princier.
Ce sont des icônes.
Des Vierges.
moi: Des corps habités.
Jérôme: Des corps à investir.
A faire vivre.
10:43
A faire vibrer.
Balhtus aime beaucoup Les Hauts de Hurlevent.
De Emily Brontë.
L'histoire de l'amour d'une fillette pour son père.
Un amour impossible.

Les Hauts de Hurlevent
10:44
Heathcliff représentant le père dans cette histoire.
moi: Lemon incest : je t'aime tant, je t'aime plus que tout. L'amour que nous ne ferons jamais ensemble est le plus beau, le plus troublant, le plus enivrant ...
10:45
Avec les Filles du feu de Nerval, je dois lire les Hauts de Hurlevent !
Et réécouter Gainsbourg.
10:46
Jérôme: Je le passe sur iTune en t'écrivant. La confusion des genres, ai-je envie d'écrire. Trouble dans le genre. Comme si le rôle du père et de la mère était une incarnation des genres. Une représentation du genre. A l'origine.
« Oh mon bébé, mon âme… »
10:48
Si je poursuis mon/notre idée ici, La Mère = féminin — Le Père = masculin.
Faire l'amour pour avoir un enfant — puis vivre l'amour interdit.
La majorité des hommes et des femmes ne vivent que l'amour interdit.
10:49
moi: Je n'avais pas vu l'amour sous cet angle …
Jérôme: Un jour, il faudra que je rappelle ce que tu affirmais de ton couple lors de notre première rencontre…
10:50
moi: Quoi ?
Jérôme: Puis j'ajouterai ce que tu affirmes de ton couple aujourd'hui.
moi: Ca a changé ?
Jérôme: Tu me demandes quoi ?
moi: Hector n'est pas mon papa !!
Jérôme: Ce n'est pas ça.
moi: Quoi alors ?
Jérôme: C'était ta position par rapport à un couple divorcé.
10:51
Et j'ai envie de dire : par rapport à deux Amazones.
Car ce n'était pas tant par rapport à moi que tu parlais.
10:52
Ton discours pompait, ramait, pour tenter de rejoindre les femmes-guerrières sur l'île des sirènes.
Et aujourd'hui, c'est toi que je trouve la plus belle.
Sincèrement.
La plus sexy.
La plus marrante.
10:53
Tu es vivante.
Joueuse.
Et tu }{|]∆ºª√∂ƒ°∂¡°πø¡«µ~∫ — censuré
moi: Femmes guerrières et sirènes avec leur queue : trouble des genres. Femme et homme à la fois.
Lapsus.

Franz von Stuck, Amazone blessée, 1904
10:54
Jérôme: Conversation en forme de queue de poisson.
Derrière la plante verte.
Sur le divan de Freud à Beaubourg.
moi: C'est puissant une queue de poisson, un coup de queue et te voilà éjectée !
10:55
Jérôme: Mais la chaîne ne s'interrompt pas.
Difficile de percer le filet.
moi: Reliée par une arête.
Jérôme: Viens avec moi en profondeur.
Quitte la surface.
Nageons ensemble.
Au fond.
10:56
Tout au fond de l'eau.
Il n'y a plus personne.
Une autre vie.
moi: J'ai peur des fonds... Je vais me noyer.
10:57
C'est plus transparent ou opaque dans les fonds ?
Jérôme: Au bord du lac Léman, je songerai à toi, in Belleville. Puis je plongerai dans les fonds vaseux du lac.
Je songerai à la femme qui aime les enfants.
10:58
Et les hommes.
moi: Et les femmes.
Jérôme: La femme impressionniste.
Sous un seul angle.
Vue sous un seul angle.
10:59
Qui s'oppose à la femme cubiste.
moi: Et toi tu aimes les portraits cubistes, je sais.
Jérôme: La femme moderne.
Non, non, j'aime bien, c'est vrai, mais c'est la femme archaïque que je vise.
La vraie.
Celle devant la caverne.
11:00
moi: Celle qui regarde les hommes s'émerveiller devant leurs ombres.
Jérôme: Celle à qui je peux dire sans aucune crainte :
« Tu veux ?! »
moi: On en revient toujours à la pute chinoise.
Jérôme: La femme répond oui ou non sans que ce soit un problème.
11:01
Avec ses yeux d'abord. Non pas les yeux d'une pute, mais d'une reine.
Silence.
Le verbe vient ensuite.
Puis les mains.
Enfin le voile à déchirer.
moi: Jom, tu me donnes envie de retourner à Balthus. Je vais aller voir mes livres.
11:02
Jérôme: La vibration sur laquelle…
Okay…
Bonjour à la fille des dieux ancestraux sur la plage.
Préviens Hector.
11:03
moi: Bonjour à la vase du lac Léman.
Jérôme: Hélène, c'est la femme de qui, déjà, dans l'antiquité ?
Lapsus.
11:04
Comment Pâris finit-il son existence ?
Retour au ventre de la femme-amazone ?
11:06
Je suis le monstre du lac Léman.
Je suis revenu à la surface.